Editorial de la semaine
Dimanche 14 septembre 2025
La Croix nous a ouvert le ciel
« Autrefois, la croix était le symbole de la condamnation maintenant elle est devenue un signe d’honneur. Auparavant c’était un instrument de mort, aujourd’hui c’est la cause du salut. En effet, elle a été pour nous la source de biens innombrables : c’est elle qui nous a délivrés de l’erreur, qui nous a éclairés alors que nous étions dans les ténèbres ; vaincus par le démon, elle nous a réconciliés avec Dieu ; ennemis, elle nous a rendus amis ; éloignés, elle nous a rapprochés.
Elle est la destruction de l’inimitié, la garantie de la paix, et le trésor de tous les biens. Grâce à elle, nous n’errons plus dans les déserts, car nous connaissons la véritable voie ; nous n’habitons plus hors du royaume, nous avons trouvé la porte, nous ne craignons plus les traits enflammés du démon, nous avons aperçu une source rafraîchissante.
Par la croix, nous ne sommes plus dans le veuvage, nous avons reçu l’Époux, nous ne redoutons pas le loup, nous avons le bon Pasteur : Je suis le bon Pasteur, dit-il. (Jn 10,11) Par elle nous ne craignons pas le tyran, nous sommes à côté du roi, et voilà pourquoi nous sommes en fête en célébrant la mémoire de la croix.
Célébrons celte fête, non avec le vieux levain, mais avec les pains sans levain de la sincérité et de la vérité. (I Cor. 5, 8.) Car le Christ, notre pâque, a été immolé pour nous. Là où est le sacrifice du Christ, là aussi se trouve l’abolition des péchés, là aussi la réconciliation avec le Seigneur, là enfin la fête et la joie : Le Christ, notre pâque, a été immolé pour nous. Où, je vous le demande, a-t-il été immolé ? Sur un gibet élevé. L’autel de ce sacrifice est nouveau, parce que le sacrifice lui-même est nouveau et prodigieux. Le même Christ était prêtre et victime : victime selon la chair, prêtre selon l’esprit. Il offrait et il était offert selon la chair.
Jésus-Christ a été offert une fois pour effacer les péchés de plusieurs, et la seconde fois il apparaîtra pour le salut de ceux qui l’attendent. (Heb. 10, 28.) Il a été offert d’abord, puis il s’est offert. Voyez-vous comment il a été victime et prêtre, et comment la croix a été son autel ?
L’agneau était immolé en haut lieu, la terre l’était également, car elle était arrosée par le sang qui coulait de son côté. Il ne voulut pas être sous un toit ni dans le temple. Ce fut en dehors de la ville et des murailles, pour nous apprendre que c’était un sacrifice universel, une oblation pour la terre entière ; enfin, une purification générale.
Nous pouvons désormais prier en tout lieu depuis que le Christ par sa venue a purifié l’univers. C’est pourquoi saint Paul exhortait en ces termes les fidèles à prier partout sans crainte : Je veux que les hommes prient en tout lieu, levant des mains pures. (1 Tim. 2, 8.) Comprenez-vous que l’univers a été purifié, puisqu’en tout lieu on peut lever des mains pures ? Toute la terre a été sanctifiée, et rendue plus sainte. » Homélie de Saint Jean Chrysostome sur la Croix
« Quel homme peut connaître le dessein de Dieu, qui peut concevoir ce que veut le Seigneur ? » (Sg 9,13)
La règle de vie de sainte Claire invite ses sœurs à ne pas se mettre en colère à cause du péché de quiconque car ce trouble empêcherait la charité. (Rg. 9). L’inspiration de cette règle pratique est incontestablement la parole biblique. (Eph. 4,26-27) En la méditant, nous prenons la mesure de ce qui nous tient à distance de Dieu et du prochain (Mc 7,14-23). Plus encore notre cœur s’apaise lorsque la saveur de l’Evangile infuse nos engagements humains et spirituels.
Méditer l’évangile façonne en nous de nouvelles dispositions que nous découvrons progressivement. Nous devenons disciples de Jésus en orientant notre vie, en engageant notre liberté et notre responsabilité humaine à la suite de Jésus-Christ. (Philémon 1,9)
Nous ne recherchons pas dans la Parole de Dieu une sagesse pratique cachée pour développer un art social de vivre ensemble. Nous contemplons dans l’Ecriture Sainte les paroles, les gestes, les silences, les actes de Jésus et l’horizon eschatologique de sa mort et de sa résurrection, à laquelle nous sommes par anticipation associés. (2 Co 1,21-22)
Ce que nous commençons en ce monde (Lc14, 28), comment le mener à bien si la mesure de notre vie n’est pas seulement celle du jour suivant mais celle de la vie éternelle ? Cela suppose de prendre certaines décisions exigeantes. (Lc 14,16-27)
Choisir d’être disciple devient le fil conducteur de notre existence humaine. Nous apprenons jour après jour, à la suite de l’Evangile, à nous accorder à la pensée et à la volonté de Dieu. C’est loin d’être évident. Ce que Dieu attend de nous n’est pas immédiatement perceptible dans le flux incessant de nos pensées et de nos impressions et cependant, il est à notre portée de nous laisser saisir intérieurement par l’Esprit-Saint.
Promouvoir l’orientation évangélique de notre vie nous apprend à dépasser certaines limites du moment présent. Au XIII° siècle, alors que de nouvelles formes de vie religieuses apparaissent dans l’Eglise, le IVe Concile du Latran se proposait de les réguler.
La règle de vie commune à des religieuses ou à des religieux doit en effet permettre à une communauté de préserver un équilibre de vie que Dieu inspire et auquel il donne la grâce de se conformer. Multiplier les textes législatifs peut flatter les auteurs mais parfois contraindre ceux qui doivent les appliquer à de trop lourdes contraintes. (1 P 5,2)
Tout le monde ne peut pas s’improviser législateur à la manière de saint Augustin ou de saint Benoît ! Le concile de Latran le rappelait. Il constatait que ces deux règles de vie, à travers les siècles, favorisaient la sainteté. Il en fit la promotion. Et pourtant 40 ans après ce Concile le Seigneur inspire à sainte Claire une nouvelle règle de vie religieuse… Reconnaissant l’arbre à ses fruits, l’Eglise ne peut que s’incliner devant une telle inspiration (Mt 7,16) sans pour autant abandonner la sagesse de l’enseignement du concile de Latran. Toute règle comporte des exceptions à condition que les exceptions ne deviennent pas la règle. Il s’agit avant tout, pour l’Eglise de la terre, de discerner et de reconnaître ce qui vient de Dieu pour s’y attacher. (1 Co 12-14)
Michel Esposito, curé
Dimanche 31 août 2025
» Servons Dieu d’une manière qui lui soit agréable. » (Heb 12, 28)
La place de l’église dans un village est plus facilement localisable que dans une grande agglomération. L’exode rural a transformé le paysage urbain. Celui-ci s’est progressivement densifié jusqu’à l’émergence de mégapoles. Depuis lors, l’église a eu tendance à se faire plus discrète. Il a même été nécessaire de construire des cathédrales, par exemple à Créteil ou encore à Evry en Île-de-France. La visibilité de la communauté chrétienne change inévitablement dans ce contexte. Ce que l’Eglise a perdu en visibilité comment le rendre présent dans notre environnement social ? Sans doute par l’empressement de chaque fidèle à servir le Seigneur.
Placer le Christ au centre de nos désirs, de notre quête du bonheur, de nos relations est une disposition à cultiver rappelait le pape Léon à Rome en juillet dernier aux 800 000 jeunes réunis à l’occasion de l’année jubilaire.
La foi engage notre vie personnelle et notre relation aux autres à une époque donnée dans un contexte social particulier. En 1215, alors que le Concile du Latran répondait à une situation religieuse complexe apparaissaient les figures de la sainteté de Sainte Claire, de saint François, de saint Dominique. Le même Esprit-Saint est à l’œuvre aujourd’hui.
La foule réunie autour de Jésus un jour l’adule (Mt 4,23-25) et à un autre moment le rejette. (Mc 6,1-6) Quel que soit le nombre de baptisés réunis en un lieu, la seule question posée à chacun est la suivante de la part du Seigneur : « toi, par ta manière de vivre, de penser, d’agir à ma suite, qui dis-tu que je suis à tes contemporains » ? Une assemblée chrétienne, vitalisée par le don de Dieu exprime bien plus qu’une pensée religieuse stéréotypée. (Jn. 17,16)
Ce que nous sommes appelés à être à la suite du Christ, voilà ce qui importe. Le processus de sanctification est à l’œuvre aujourd’hui comme la communion des saints l’atteste. D’où cet appel de l’épître aux Hébreux à servir Dieu d’une manière qui lui soit agréable.
Le Christ et lui seul est la pierre angulaire de l’Eglise. Les fidèles, quel que soit leur état de vie, savent d’où ils viennent et ce qu’ils deviennent. Ils sont issus du Corps du Christ par le baptême et l’eucharistie. Leur existence est itinérante, accomplissement (encore partielle) de la volonté du Père, réel engendrement à la vie divine, trouvant par grâce dans les dons de l’Esprit-Saint la source de leur unité et de leur fidélité.
La rentrée scolaire paroissiale s’inscrit dans cette profonde conviction spirituelle. Ensemble, chemin faisant, nous nous laisserons immerger dans l’espérance afin de vouloir au plus intime de nous-mêmes ce que Dieu veut, d’aimer ce que Dieu nous donne, d’aimer et de contempler le Christ, parfaite image du Père.
Ce qui nourrit l’élan de notre cœur, écrit saint Augustin (commentaire du Ps. 26), c’est le fait que « le Christ a répandu son sang pour nous incorporer à lui (faire corps dans l’Eglise est une grâce) en sorte que nous soyons Christ en lui. » Pour cela nous recevons l’onction de l’Esprit-Saint. Ainsi « tous nous sommes en lui des Christs et nous sommes le Christ, puisque l’on peut dire que le Christ total est tête et corps ».
Dimanche 29 juin 2025 éditorial de l’été, le prochain le 31 août
« La prière ardente de l’Eglise montait sans relâche vers Dieu »
Quel contraste entre la prière insistante de l’Eglise pour Pierre alors placé sous bonne garde, entravé, prisonnier et le sommeil de Pierre ! Comme si ce dernier, porté par la prière de l’Eglise, expérimentait à quel point cette prière produisait en lui une paix intérieure. La puissance de la prière détourne le regard du seul danger immédiat et réel que Pierre doit cependant affronter.
Nul ne peut savoir à l’avance ce qui va résulter de la prière, laquelle n’est pas une simple supplique adressée à Dieu pour que tout danger disparaisse. La providence divine est à l’œuvre ici et maintenant et la prière nous y ajuste. Il ne s’agit pas de préserver le disciple de toute difficulté mais de relever celui qui peine, de produire l’espérance là où le péril surgit.
« Saint Paul et Saint Pierre, affirme saint Jean Chrysostome, étaient les colonnes et les tours de l’Église. La prière brisa les fers de l’un et ouvrit la bouche de l’autre. Mais ne nous bornons pas à rappeler les faits de ce temps-là pour établir la double vertu de la prière ; servons-nous encore de ce que nous voyons chaque jour, et rappelons à notre mémoire la prière que le peuple prononce. Lorsque vous entendez (au cours de la liturgie) le diacre s’écrier : « Prions pour l’évêque, pour sa vieillesse, pour son salut, afin qu’il traite avec droiture la parole de vérité ; pour les personnes ici présentes et pour celles qui sont ailleurs, » vous n’hésitez pas à exécuter et vous priez avec ferveur, parce que vous comprenez la puissance que donne cette union. »
Les évènements du monde obéissent à des logiques sociologiques économiques, politiques sans s’y limiter. Hier Hérode Agrippa choisissait d’arrêter Pierre. Sans doute était-il désireux de préserver une certaine conception de l’ordre social. A tout prix ? Sans doute. Sa décision privait Pierre de sa liberté d’action sans pour autant entraver l’œuvre de Dieu, l’annonce de l’évangile. « Le roi Hérode entreprit de mettre à mal certains membres de l’Église. » Une décision au service de l’opinion publique (Ac 12,3) plus que de la recherche de la vérité et de la justice.
On observe à toute époque des croyants concernés directement ou indirectement par la persécution religieuse. Ils continuent bien souvent à se tourner vers le souverain Créateur, Père miséricordieux et bienveillant, vers le Christ rédempteur, vers l’Esprit sanctificateur car l’espérance ne déçoit pas un cœur pénétré de la gloire divine. Lorsque Paul écrit « tous m’ont abandonné », il reconnaît une terrible traversée du désert et en même temps il rajoute : « le Seigneur lui m’a assisté, m’a rempli de force, pour que par moi la proclamation de l’Evangile s’accomplisse ». (2 Tm 4,16-17)
Lorsque Pierre n’était pas encore porté par la prière de l’Eglise, il lui arrivait de vaciller (Mc 14,22-33) mais par la suite il a donné le témoignage ultime de l’offrande sa vie à Rome, le témoignage de la foi. Contre les vicissitudes du passé, les sources d’angoisse, les inquiétudes de l’avenir, portés par la prière de l’Eglise, et donc par la nôtre pour partie, accueillons jour après jour la grâce du moment présent, le don de Dieu, l’énergie de l’espérance.
Père Michel Esposito, curé